Oser

Oser. Ce n’est pas de nous. C’est André, le grand-oncle de Lucie, qui nous a dit ça quelques mois avant qu’on décide de partir. Il était malade André, il se savait condamné. « Si je n’ai qu’une seule chose à vous conseiller dans la vie, c’est : OSER ! » On l’a bien aimé ce conseil. D’une certaine façon, on avait plus l’habitude d’entendre des « Faites attention » que des « Allez-y foncez ! ». Alors quand on s’est retrouvés quelques mois plus tard sur la pelouse du parc de Belleville, à la sortie d’une nuit de travail pour Lucie et un départ à l’autre bout de la France pour Louis, on y a repensé. Il fallait oser.

Le plus dur du voyage pourrait se résumer à ça. Prendre la décision de partir. Et s’y tenir. Parce qu’entre l’idée en l’air et les premiers tours de roue, il y a du chemin. Est-ce qu’on fait bien de partir alors que beaucoup à notre âge privilégient leur carrière ? Est-ce qu’on va tenir le coup physiquement ? Aujourd’hui, la réponse à ces questions nous paraît évidente !

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13 415 bornes, parfois sous la pluie, dans des pentes à 12%, avec des chiens aux trousses, sur des pistes défoncées, ou encore avec des gargouillis dans le ventre. Qui a dit que le voyage à vélo c’était des vacances ! Heureusement, il y a eu tous vos commentaires, tous vos petits mots que l’on guettait à chaque connexion à internet. La famille, les amis, de parfaits inconnus. À chaque fois, la même joie de vous lire. Merci !

Et puis, ces moments durs ne sont pas grand chose quand on sait tout ce que cette aventure nous a apporté. Impossible de tout détailler, mais quand même. Ce sentiment à notre arrivée à Florence après une sale journée de vélo, le délire avec Alice devant la chorale de Thessalonique. Cette vue sur la baie de Kotor du haut de la Serpentine. Cette traversée du Turkménistan en train de nuit. Et cet accueil incroyable qu’on a reçu partout où l’on est passé ! De Fides et Filis en Anatolie, d’Anny et André en Bourgogne, de Mohammad en Iran, de Manuel en Allemagne, de la famille de Dilbar en Ouzbékistan, des fastes déployés par ces femmes kirghizes. Les paysages pamiris, la beauté des montagnes bulgares, celle des mosquées iraniennes…

Sachez que ce voyage nous a appris qu’on était forts, mentalement et physiquement. Qu’on pouvait vivre 24 heures sur 24 ensemble, ce qui n’est pas rien vous en conviendrez. Louis a accepté sans broncher de se faire pourrir dans les derniers kilomètres des cols. Lucie s’est montrée très patiente pour écouter la liste des petits bobos. On s’est franchement bien marrés. Tous ces kilomètres, nous n’aurions pas pu les faire l’un sans l’autre.

À cette question qui revient souvent : « Vous n’avez jamais eu aucun problème ? », on peut répondre non sans hésiter. Il y a toujours eu des solutions dans les moments de galère. Cette station essence pour se réchauffer sous le déluge, ces deux femmes du plateau pamiri qui ont réconforté Lucie après un grand ras-le-bol, Rita qui nous a ouvert sa maison en Allemagne alors que la nuit était tombée depuis longtemps et qu’on ne savait pas où dormir. Certains parleront de bonne étoile, nous on préfère parler d’humanité. Le monde est peuplé en grande majorité de gens gentils, prêts à vous aider, voire même à vous accueillir. Ça dans nos belles rédactions, on l’avait oublié. Le 21e siècle se résume trop souvent, pour nous journalistes, aux attentats, à la montée de la précarité et à la peur de l’autre. Tout le contraire de ce que l’on a vécu pendant un an en fait. Ces dix mois sur la route ont fait de nous des personnes plus confiantes, plus tolérantes.

Le plus dur, c’est de partir qu’on vous disait. À ce stade, on doit ajouter que le plus dur c’est aussi de revenir. Un beau jour, sans vraiment qu’on s’en rende compte, le voyage s’arrête. Les vélos et les sacoches descendent à la cave. Manger et dormir ne sont plus nos premières préoccupations. Nous étions mobiles, on est à l’arrêt. On redevient sédentaires. Alors « Comment allez-vous ? », autre question que vous nous posez depuis un mois. Eh bien, disons-le, on se sent étranges.

C’est dur de parler du voyage. Tant que nous roulions, tout était simple. On racontait au présent. Maintenant, notre aventure se conjugue au passé. Nous vous évoquons des souvenirs, qui peuvent sembler encombrants. On a parfois l’impression que pour vous cette aventure était une parenthèse. Et qu’à présent elle est refermée. Sauf que pour nous, tout ne s’est pas arrêté le 5 novembre. Cette aventure est un moment marquant dans notre vie, à partir duquel nous voulons construire.

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À l’heure de mettre un point final à ce voyage, se pose une dernière question : que va devenir ce site ? On ne peut pas le laisser tomber. On a tellement aimé vous écrire ! Il se pourrait bien que de nouveaux articles apparaissent dans les mois qui viennent. L’avenir proche est au boulot, mais la suite, elle, pourrait nous ramener sur les routes. Un voyage en appelle d’autres. La Chine ne nous résistera pas toute notre vie. Plus à l’Est encore, le Japon fait rêver. Et que dire de l’Irlande, ou de toutes ces petites routes françaises que nous n’avons pas encore explorées à vélo ! Parce que oui, on ne se voit pas repartir sans nos fidèles montures. La bicyclette est le meilleur moyen de faire des rencontres. Et si en plus vous y ajoutez quatre sacoches, vous récoltez sourires et encouragements !

Oser de nouveaux voyages, c’est aujourd’hui une certitude. Mais on pensera aussi à toi André, quand il faudra faire des choix importants. Plus qu’un conseil, oser est devenu une philosophie de vie.


21 réflexions sur “Oser

  1. Je suis tout chose après avoir lu ça. C’est si beau… J’en profite pour envoyer une pensée à André, dont le souvenir, même si je n’ai pu parler avec lui que 4 ou 5 fois, est un rayon de soleil éternel dans mon cœur.

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  2. Je sais. Qu’ est ce qui se passe quand le voyage est fini. Au moment ou on commence a relire les récits qu’on a ecrits et les nouvelles routes qu »on cherche a découvrir.

    Oser.

    Il avait raison, l ‘ oncle .

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  3. Bravo pour votre voyage que j’ai suivi dès le début grâce à mon oncle Roland et ma tante Pierrette qui m’ont averti de votre départ après votre séjour chez eux. J’ai suivi avec délectation votre parcours et j’espère un jour en faire autant. Vous avez raison, il faut savoir OSER dans la vie.

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  4. Après 11000km sur les routes d’Europe notre propre voyage s’approcher aussi de sa fin. J’aime beaucoup cet article ds lequel je me retrouve ☺. Osons toujours et encore, ne laissons pas nos peurs nous submerger. Amicalement. Cathy (votre étape d’Avallon)

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  5. Après avoir « osé »,voici venu le temps de se « poser « . Merci pour le récit de votre formidable aventure qui nous a enchantés tout au long de cette année 2017.
    Félicitations pour cette philosophie de vie que vous avez rapportée dans vos sacoches .!!!!!

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  6. continuez d’oser et comme ça vous pourrez continuer à écrire cela vous va si bien et surtout continuez à être heureux, cela aussi vous va si bien et vous diffusez autour de vous et c’est top
    bisous à tous les deux et à très bientôt

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  7. Oh là là, que d’émotion !! A l’heure où vous êtes rentrés, c’est pour moi et ma petite famille que le départ approche. Pas à vélo, mais nous passerons aussi par l’Iran, un peu sur vos traces donc. Au plaisir de se croiser peut-être à France Bleu Paris, Louis, avant mi-avril. Et je n’ai plus qu’à vous souhaiter de continuer à rêver… et à oser.

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  8. Comme vous l’avez bien écrit ! Tout, j’y retrouve tout ce qui fait le voyage, le plus dur qui est de décider de partir, puis de le faire, les solutions qui accompagnent toujours les problèmes en voyage, les rencontres qui se présentent au fil des jours, le quotidien qui consiste à avancer, trouver à manger, trouver où dormir,

    et rentrer, redevenir sédentaires (c’est aussi l’expression que j’emploie quand ça nous arrive…), et pour décrire ce changement de vie, du présent au passé, du voyage à la routine, du quotidien en route à l’évocation de souvenirs, comme je les trouve justes les mots que vous avez posés, et que j’ai toujours eu tant de mal à venir écrire sur notre blog – d’ailleurs happée par le quotidien je ne suis pas toujours revenue les écrire…

    J’espère revenir vous lire à l’occasion ! De notre côté on prépare un petit départ (3-4 mois cette année) avant un plus grand départ (15-16 mois l’année prochaine)… et c’est en cherchant des infos sur des vélos que je suis tombée chez vous. J’avais peur des freins hydrauliques, et cette peur tout à fait rationnelle correspond exactement à ce que je viens de lire en rouge sur votre page « avec quoi part-on ». A suivre…

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  9. BRAVO! Je ne lis que cet article ce soir mais pour sur, je reviendrai lire ici !,Demain une dure journée m’attends : nos 3 petits loups nous réveilleront à 6h30, nous ferons les sacoches, avalerons notre petit dej et attaquerons un petit col, le denier d’ici notre vol retour à Séoul dans 15 jours… Nous avons adoré le Japon ces dernières semaines et apprécions le calme des pistes cyclables coréennes. Le retour approche, et votre article si bien écrit me permet de me projeter, un peu… au plaisir de vous découvrir davantage. Marine pour la michto bike family !

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